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08/07/24

Trois questions à Anne-Cécile Rigail

Cheffe du service des risques technologiques, Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

 

La prévention des risques industriels en 2024
« Une démarche éprouvée, pour affronter de nouveaux enjeux »

 

Comment prévoir et prévenir les risques dans un monde en mutation ? Comment accompagner les industriels dans la prise en compte de risques encore mal évalués ? Comment répondre aux attentes des collectivités et des riverains inquiets ? Tels sont les enjeux actuels, et parfois contradictoires, de la DGPR. Réindustrialisation, nouvelles technologies, changement climatique, risques chroniques, ces problématiques ont émergé avec force ces dernières années, auxquelles la DGPR se doit d’apporter des réponses.

 

Maillon essentiel de la prévention des risques technologiques, la DGPR est au cœur des politiques déployées sur l’ensemble du territoire. En lien constant avec les industriels, mais aussi les collectivités et associations, elle privilégie le dialogue à tous les échelons pour adapter la réglementation aux attentes et besoins des différents acteurs. Dans le contexte sensible de ces dernières années, qui ont vu l’émergence de sujets, crises et problématiques nouveaux, les Rendez-vous Majeurs donnent la parole à Anne-Cécile Rigail, pour évoquer les enjeux de la DGPR en matière d’évolution de la prévention des risques technologiques.

 

RDVM 24 : « Quels sont aujourd’hui les principales dynamiques au cœur des réflexions de la DGPR ? »

Anne-Cécile Rigail : « Sur notre territoire, il y a actuellement deux dynamiques très fortes : la réindustrialisation qui s’engage, dans un objectif gouvernemental de progresser dans notre souveraineté, et les besoins liés à la transition énergétique (atténuation du changement climatique, y compris par la transition énergétique ; adaptation ; préservation de la biodiversité, de la santé et des ressources).

La nécessité de produire plus en France, et donc d’installer de nouvelles usines, est aujourd’hui largement partagée. Mais où implanter ? Comment concevoir ces installations ? Pour nous, tout l’enjeu est de permettre à ces nouveaux sites de s’intégrer harmonieusement dans leur environnement. Cette mutation passe également par des transformations parfois lourdes de sites industriels existants, et que nous devons accompagner.

Concernant la transition énergétique, il y a tout d’abord une montée en puissance de filières connues, comme les éoliennes ou les méthaniseurs, pour lesquels nous prêtons une attention particulière à l’accidentologie. Ensuite, nous essayons d’anticiper des problématiques qui vont arriver. Par exemple autour de la filière hydrogène, pour laquelle l’État a de grands projets, et où il faut échanger avec la profession pour adapter des règles aux risques et aux développements techniques. Autre cas, celui des batteries au lithium. Nous travaillons actuellement avec la protection civile pour définir les modalités d’intervention en cas d’incendie sur un site d’électricité en conteneurs de batteries.

Globalement, sur toutes ces nouvelles technologies, l’enjeu est d’établir un dialogue itératif avec les producteurs pour trouver des solutions qui permettent un développement rapide tout en apportant le maximum de garanties aux riverains et à l’environnement. »

 

RDVM 24 : « Depuis quelques années, on assiste dans une montée en puissance des inquiétudes autour des risques chroniques et des pollutions, comme les PFAS. Comment la DGPR aborde-t-elle ces nouveaux enjeux ? »

Anne-Cécile Rigail : « Le risque chronique est un monde complexe. On doit tenir compte de l’état de la connaissance, de la technique et des pratiques. Certains sujets de vive préoccupation, comme celui des PFAS, sont certes relativement nouveaux, mais nous avons, de longue date, développé une démarche de recherche et de prise en compte des risques chroniques et des pollutions. Nous nous appuyons sur cette méthodologie ancrée dans le réel pour aborder les problématiques actuelles. Une des difficultés concernant les PFAS réside dans le manque de connaissances sur la toxicité de ces substances. Aujourd’hui, nous sommes capables de définir et de suivre des techniques de réduction physique des substances. En revanche, nous ne pouvons pas dire avec certitude quel est le risque pour un niveau de rejet défini, et à partir de quel niveau il n’y en a pas. Pour compléter les connaissances scientifiques sur les conséquences sanitaires, beaucoup de travail de fond est encore nécessaire. »

 

RDVM 24 : « La DGPR constitue le soutien principal des Rendez-vous Majeurs. Que représente cet événement pour vous et qu’en attendez-vous ? Plus globalement qu’attendez-vous d’une collaboration avec les parties prenantes ? »

Anne-Cécile Rigail : « Il est indispensable que les gens puissent se rencontrer. C’est dans ce type d’événements, y compris pendant les pauses cafés, que l’on établit des relations durables et constructives. Les Rendez-vous Majeurs sont également l’occasion de réunir tous les collectifs de parties prenantes pour faire le bilan de ce qui se fait et reste à faire, d’échanger sur là où nous en sommes. C’est un exercice nécessaire et salutaire pour prendre du recul, débattre, échanger des points de vues parfois divergents, et avancer efficacement. J’espère que cette édition nous permettra de mettre en valeur des expériences locales et concrètes, qui sont celles qui nous feront tous progresser.

Concernant plus largement le dialogue, avec les collectivités, les associations et les industriels, l’objectif est toujours d’essayer de comprendre techniquement les attentes légitimes de chacun et de trouver des solutions au cas par cas. Évidemment les industriels, comme vous le savez, n’ont pas le choix de travailler avec nous. C’est une relation structurelle car nous sommes là pour les accompagner et les contrôler, à travers nos 1600 agents de terrain. Sur la base d’une démarche d’échange et de dialogue, pour comprendre leurs besoins et leurs process, et pour avoir une connaissance partagée des phénomènes dangereux, nous assurons une mission de surveillance et de renforcement de la sécurité.

Mais nous veillons aussi à entretenir tout au long de l’année des relations régulières avec les autres parties-prenantes, notamment les élus, les riverains et les associations. Ce sera un plaisir de les retrouver aux Rendez-vous Majeurs 2024. »


02/07/24

LES RENDEZ-VOUS MAJEURS

Pour cette édition, vous avez voulu que les Rendez-vous Majeurs intègrent les risques chroniques et plus seulement accidentels. Pourquoi cette évolution vous a-t-elle semblé importante ?

Alban Bruneau : « C’est en effet la première fois que les risques chroniques, et plus globalement la problématique des pollutions industrielles, sont intégrés aux Rendez-vous Majeurs. C’est même la première fois qu’un temps d’échanges et de réflexions avec l’ensemble des parties prenantes leur sont consacrés au niveau national. Cette évolution concrétise une mutation à l’œuvre dans la société française, où les questions de santé et de pollution, et de risque environnemental, ne cessent de prendre de l’ampleur. Les citoyens sont inquiets et veulent des réponses, et nous devons essayer de leur en apporter. Cette première correspond également à une évolution dans les missions d’AMARIS. Notre association a toujours eu pour objectif d’accompagner les collectivités dans la gestion des risques technologiques majeurs sur leur territoire, de leur fournir des outils et des connaissances là où n’y avait rien et où elles étaient seules. Aujourd’hui, être fidèle à cette histoire, c’est aller sur le sujet de la prise en compte des pollutions industrielles. Depuis 2022, nous investissons la question des risques chroniques, de l’impact des pollutions industrielles sur la santé et l’environnement, à travers un programme dédié de trois ans. Il nous permet d’ores et déjà d’avoir une vision plus claire et de pouvoir en faire bénéficier nos adhérents comme les participants des Rendez-vous Majeurs. »

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