L’article 173 de la loi ALUR modifie le code de l’environnement en matière de sites et sols pollués. Comment cette question était-elle traitée auparavant ?
En France, la pollution des sols par les activités industrielles fait l’objet d’une prise de conscience récente et largement postérieure au début de la désindustrialisation. La politique française en matière de sites et sols pollués n’avance donc que depuis une vingtaine d’années, et ce, principalement sur le plan technique. Il n’y a eu pas de loi structurante ; ce sont les juges qui créent le droit. Pour traiter la première grande affaire en la matière, à savoir la pollution liée à la présence de la décharge de Montchanin, la base juridique utilisée a été la loi ICPE et le principe du pollueur-payeur (le dernier exploitant prend en charge la dépollution). Depuis 15 ans, la jurisprudence est hésitante et ne compense pas l’absence d’un dispositif législatif et réglementaire spécifique.
Le sujet central est la recherche du responsable pour savoir qui paie ?
Oui. Pour déterminer la responsabilité, deux lois sont utilisées : la loi ICPE et la loi déchets. Elles mettent en cause ou non le propriétaire au gré des jurisprudences. Résultat : les conflits entre vendeurs et acquéreurs ne cessent d’augmenter. En 2 ans, le nombre de contentieux civils a été multiplié par trois.
En quoi la reconversion des friches industrielles est-elle un enjeu ?
Environ 300 000 sites sont potentiellement pollués. Ces friches représentent, quand elles sont situées en milieu urbain, une réserve de foncier stratégique. Leur reconquête ouvrira des opportunités en matière de création de logements, de renouvellement urbain et de requalification des espaces publics. Il devient donc indispensable de créer des outils urbanistiques adaptés, d’anticiper le risque de pollution et de l’intégrer dans les projets, tout particulièrement lors de la négociation financière des terrains. Il faut poser un cadre pour solder le passé (l’héritage de la désindustrialisation) et traiter les pollutions connues. L’expérience montre que plus la question est traitée en amont, moins cela coûte cher. On peut, en effet, adapter les projets ou les techniques de traitement.
Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes de l’article 173?
Ce texte, travaillé par le groupe d’experts du CSPRT, a obtenu un consensus de toutes les parties prenantes, du MEDEF jusqu’à FNE. L’article 173 prévoit :
a. Des dispositions pour améliorer la connaissance et la rendre disponible : l’État va élaborer des
secteurs d’information sur les sols (SIS) qui seront
intégrés dans les PLU. Lors de la cession d’un terrain, le vendeur informera l’acquéreur s’il est en SIS. Dans le cadre des demandes de permis de construire ou d’aménager, le pétitionnaire fournira une attestation établie par un bureau d’études certifié précisant que le projet a fait l’objet d’une étude de sols et que l’usage prévu est compatible avec le secteur.
Ainsi, la loi ALUR crée des obligations pour les vendeurs et pour les acquéreurs. Elle oblige également le vendeur à informer la collectivité, dans les DIA, dans les cas de préemption.
Par ailleurs, l’Etat publiera une carte des anciens sites industriels où les sols sont potentiellement pollués. Cette carte devra être utilisée lors de la délivrance des certificats d’urbanisme. La loi ALUR incite ainsi les collectivités à intégrer la problématique des sites et sols pollués dans leurs politiques d’aménagement et à s’emparer de la question du renouvellement des friches industrielles.
b. Des dispositions autorisant l’intervention d’un tiers, notamment les collectivités, pour mener la réhabilitation du site. Jusqu’à présent, cette obligation incombe au dernier exploitant. La loi ALUR permet de transférer cette obligation à un tiers (un aménageur ou un promoteur immobilier). La prise en charge des coûts de dépollution sera donc à négocier lors de la vente du terrain. Cette disposition est de nature à inciter les exploitants à céder, plus facilement, leurs biens. Aujourd’hui beaucoup préfèrent ne pas vendre car leur responsabilité reste engagée pendant 30 ans.
Enfin, le tiers fournira une garantie financière et technique à l’Etat. En cas de défaillance financière, l’Etat pourra se retourner vers le dernier exploitant, à hauteur de ce que celui-ci aurait dû réaliser pour réhabiliter le site.
c. Une clarification de la responsabilité des acteurs. Il existe désormais 2 rangs de responsabilités : 1. Le dernier exploitant ou le tiers substitué ou le maître d’ouvrage qui a pris la suite ou le producteur de déchets si ce n’est pas une ICPE. 2. Le propriétaire négligent.
Quelle est la prochaine étape ?
Cette loi pose les grandes bases. Les
décrets à venir répondront aux questions plus techniques mais très importantes comme celle, par exemple, de définir ce que recouvre la notion de propriétaire négligent notamment pour une collectivité qui veut redévelopper un terrain pollué.
Pour Amaris qui fait partie du groupe de travail « sites et sols pollués », il s’agira de s’impliquer afin que le dispositif mis en place soit cohérent avec les enjeux des collectivités.
En savoir plus : Article 173 de la loi ALUR