La loi a 10 ans.
Mesure importante de la
loi modernisation de la sécurité civile, les plans communaux de sauvegarde (PCS) sont destinés à mobiliser l’échelon communal dans la gestion des crises majeures. 10 ans après la promulgation de cette loi, 6 900 communes ont élaboré un PCS sur les 11 500 qui en ont l’obligation. Par ailleurs, 1 700 communes ont réalisé un PCS sans y être tenu par la réglementation. La loi de 2004 avait également pour objectif de rendre le citoyen acteur de sa propre sécurité. Pour ce faire, un nouvel outil de mobilisation civique a été créé : les réserves communales de sécurité civile. Elles ont pour objet d’appuyer les services communaux dans des situations particulières. A ce jour, il existe 544 réserves communales, créées essentiellement par des communes du Sud de la France soumises aux feux de forêt.
Le bilan de cette loi, dix ans après, est donc en demi-teinte. 40% des communes n’ont pas encore pris la mesure des enjeux et de la nécessité de s’organiser pour ne pas improviser le jour J. Par ailleurs, les habitants sont loin d’être positionnés comme des acteurs à part entière. Bien sûr tout le monde pourrait y aller de son petit conseil. Il faudrait travailler sur la formation et l’information notamment en s’appuyant sur les associations agréées de la sécurité civile. L’éducation nationale a également un rôle important à jouer dans l’apprentissage des jeunes citoyens, ne serait-ce qu’en intégrant la sécurité dans ses programmes et en organisant des exercices PPMS (plan particulier de mise en sûreté).
Aujourd’hui, on peine à comprendre les freins, notamment au niveau communal. Pourquoi les communes qui en ont l’obligation ne réalisent pas le PCS sachant qu’il est leur outil de sécurité civile ? Il est certain que bon nombre d’entre elles n’en ont pas les moyens humains et devraient être accompagnées. Avec le procès Xynthia, nous avons pu constater que les maires sont désormais directement mis en cause. Ne pas prendre au sérieux les questions de sécurité, c’est exposer ses habitants et s’exposer juridiquement.
Rappel de la loi et de ses objectifs
La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 précise les missions et les objectifs des différents acteurs de la sécurité civile.
Des principes opérationnels voient alors le jour :
- La planification des secours est simplifiée, en définissant précisément l’articulation entre plan ORSEC (niveau national déclenché par le préfet) et plan communal de sauvegarde.
- Le citoyen devient acteur de la sécurité civile notamment dans le cadre de la réserve communale de sécurité civile (RCSC).
- Les associations trouvent leur place : elles permettent de mobiliser davantage de moyens humains et matériels dans des délais très courts.
- L’éducation des élèves aux questions de sécurité civile et aux gestes de premiers secours devient une obligation.
- L’organisation des services départementaux d’incendie et de secours est précisée, dont le rôle des conseils généraux. Dans ce cadre, les SDIS ont l’obligation de rédiger un SDACR (Schéma Départemental d’Analyse et de Couverture des Risques), afin d’évaluer les risques et d’organiser les moyens opérationnels nécessaires.
- Enfin la loi reconnaît aux sapeurs-pompiers professionnels comme volontaires la dangerosité de leur métier.
Chiffres recueillis lors du forum annuel de l’Ifrasec « 10 ans de loi de modernisation de la sécurité civile : quelle sécurité civile pour le XXIe siècle ? » du 11 décembre 2014.
PCS, PPI et ORSEC – Point de vue de Jean-Pierre Duarte, chef de centre de secours, SDIS du Rhône
Les communes prennent en charge les mesures de sauvegarde, c’est-à-dire l’information, l’alerte, la mise à l’abri de la population. Les services de l’État, eux, gèrent les mesures de secours (protéger, secourir ou évacuer d’urgence la population). Sur le terrain, cette articulation est-elle aussi évidente?
« Quand un événement survient et qu’il prend des dimensions assez conséquentes, le préfet prend la main sur la direction des opérations de secours (DOS). Nous intervenons sur le terrain pour gérer l’événement avec la responsabilité de commandement des opérations de secours (COS).
Nous n’avons pas le réflexe d’intégrer la commune et son PCS. Nous le faisons seulement en cas de besoin. Par exemple, si une zone doit être déblayée, nous nous tournons vers la commune. La plupart du temps, nous redonnons la main à la commune, lorsque l’événement décline, en phase de retour à la normale. Pendant l’événement, beaucoup de moyens, humains et matériels, sont engagés. Si nous n’avons plus les ressources pour assurer les relèves, nous sollicitons la commune comme relais. Il n’y a donc pas vraiment d’articulation entre PCS, PPI et plan ORSEC. C’est dommage, c’est une réelle perte de temps. Pour améliorer le dispositif de gestion d’événement, le PCS devrait être intégré en amont, lors de l’élaboration même du plan ORSEC. Le PCS serait ainsi davantage sollicité et mis en valeur. Du côté des communes, il serait peut-être intéressant, par exemple pour l’alerte de la population, qu’elles s’imbriquent davantage au dispositif ORSEC. Aujourd’hui, elles ne savent pas forcément quand le faire et comment.
Le PCS devrait être l’élément central de la gestion d’événements, autour duquel devraient se coordonner les acteurs de la gestion de crise.Quel échelon peut prétendre être mieux approprié que l’échelon communal pour prendre en charge des populations déplacées ? Aujourd’hui, c’est le plan ORSEC qui est au cœur du dispositif. Le PCS n’est qu’un support, parmi d’autres, de mise en œuvre du plan ORSEC. »
PCS, PPI et ORSEC – Le point de vue d’Yves Guégaden, adjoint au maire à Notre-Dame-de-Gravenchon
« Dans le cadre d’un accident industriel, le POI est déclenché par l’exploitant et ensuite le protocole de communication est géré par la DREAL. Elle informe notamment les communes riveraines et les autres industriels de la zone.
Si, le POI déborde à l’extérieur de l’entreprise, le préfet peut déclencher le PPI. Si le PPI n’est pas activé, le maire est le directeur des opérations de secours et le PCS est un des outils qu’il utilise. La communication entre l’industriel et le Maire peut aboutir au déclenchement des sirènes pour que la population se mette à l’abri. Il est alors nécessaire de l’informer et de rappeler les conduites à tenir. Nous disposons pour ce faire d’un automate d’appel téléphonique. Lorsque le préfet prend la main, la population est déjà prévenue et à l’abri. Le PCS vient donc en complément des moyens de secours. Il est tout indiqué lors d’événements exceptionnels qui ne nécessitent pas le déclenchement du plan ORSEC. Nous disposons ainsi d’un poste de commandement, d’annuaires à jour et de moyens humains et matériels.
A noter que sur notre territoire, il existe un plan intercommunal de sauvegarde (PICS). La communauté de communes Caux-Vallée-de-Seine s’est appuyée sur notre PCS pour le mettre en place. De cette façon, ils sont complémentaires et faciles à utiliser, leurs architectures étant identiques. L’intérêt du PICS est de mutualiser les ressources des communes, donc de démultiplier les moyens humains et matériels de la commune en difficulté. Ils sont régulièrement testés et mis à jour lors d’exercices.
Ces plans servent aussi à gérer le retour à la normale, un aspect de gestion de crise souvent négligé. »
PCS, PPI et ORSEC – Le Point de vue de Danielle Sauge-Gadoud, référente technique AMARIS
« Un élément de bilan, qui ressort, est la difficulté des services SDIS, SIDPC… à prendre en compte les PCS. Pourquoi les communes ne sont-elles pas considérées comme un acteur légitime concernant la sauvegarde des populations ? Pourquoi les SDIS restent spécialistes du thème ? Les communes doivent-elles encore faire leurs preuves ? Bien entendu, certaines n’ont pas réalisé leur PCS ou alors d’une façon trop »administrative » (le dossier qui cale l’armoire). Pour autant, de nombreuses communes sont prêtes ! Aujourd’hui, tout le monde est perdant : les SDIS, les services de l’État, les communes et bien sûr les habitants. La solution réside peut-être dans une construction concertée des plans ORSEC et des PCS, permettant une meilleure connaissance par les différents acteurs et donc une réelle mise en œuvre commune au service de la sécurité civile. »
2 questions à François Giannoccaro, directeur de l’IRMA
L’
Institut des Risques Majeurs (IRMA) a pour mission la formation et le conseil des décideurs locaux dans l’exercice de leurs compétences de gestion des risques majeurs et notamment des situations de crise. C’est à ce titre que nous interviewons son directeur, monsieur François Giannoccaro, sur les plans communaux de sauvegarde (PCS).
1. Comment élaborer un PCS ?
La réalisation d’un PCS, dispositif regroupant des composantes techniques, humaines et organisationnelles, génère un travail de fond pour une commune. Il nécessite l’engagement d’une démarche de participation et de responsabilisation des élus, du personnel communal, des acteurs locaux, des citoyens, etc. L’objectif est de promouvoir une véritable culture de la sécurité civile dans la commune.
Mes 5 conseils pour élaborer un PCS :
1. Créer un outil documentaire opérationnel et mis à jour régulièrement.
2. Optimiser la mise en vigilance et l’alerte. L’idée est bien d’optimiser la capacité de réaction communale au niveau des personnes « clés » du dispositif communal mais également auprès des habitants. Il s’agit de mettre en place des procédures de veille avec si possible une surveillance sur le terrain, un système de veille municipale ou d’astreinte avec un numéro exclusivement dédié à l’alerte et aux situations d’urgence, et des schémas d’alerte privilégiant les circuits courts sur les évènements dommageables à cinétique rapide.
3. Prévoir des moyens alternatifs et complémentaires de télécommunication. Les réseaux habituels de communication sont très souvent mis à mal. Il convient donc de prévoir des moyens alternatifs : talkies walkies, radios privées, médias sociaux en gestion de l’urgence (#MSGU).
4. Planifier l’évacuation des habitants. Le DICRIM pourra apporter des informations concrètes en cas d’évacuation.
5. Gérer la communication de crise. Il est important de se préparer en définissant une stratégie de communication et en désignant un porte-parole pertinent.
2. Selon vous, quels sont les points de vigilance ?
En termes de contenu des PCS, la première chose serait d’améliorer la caractérisation des aléas afin de mieux définir les « seuils de déclenchement » et les mesures prévues par l’outil en réaction.
En termes de démarche, l’obligation d’établir un PCS devrait être généralisée à toutes les communes où le risque ne peut être exclu, ainsi que les exercices de simulation à l’initiative des communes. Il est également important de développer les formations des responsables et décideurs locaux, ainsi que les outils d’évaluation et d’audit des PCS.
D’un point de vue stratégique, il faut développer le travail à plusieurs échelles, d’une part en encourageant les intercommunalités, les départements et les régions à engager des actions volontaristes de développement de la culture du risque et de soutien aux collectivités en particulier sur les territoires ruraux, et d’autre part en favorisant l’implication civile et citoyenne dans les dispositifs locaux de sécurité civile. Il est important également que se développent, au niveau national, les centres de ressources permanents qui concourent par leurs actions sur le terrain à responsabiliser tous les acteurs.
Responsabilités : les motifs retenus contre le maire de la Faute-sur-mer
Le Tribunal de Grande Instance des Sables-d’Olonne a rendu son jugement sur l’affaire Xynthia, vendredi 12 décembre. Le maire de La Faute-sur-Mer a été condamné à 4 ans de prison ferme. Les motifs retenus sont avant liés à l’urbanisation en zone à risques mais aussi l’absence de mesures de sauvegarde et d’information de la population.
Le Maire de La Faute-sur-Mer a engagé sa responsabilité administrative et sa responsabilité pénale personnelle, au titre de :
1. Le défaut d’information de la population sur les caractéristiques du risque naturel connu dans la commune, les mesures de prévention du risque, les modalités d’alerte, l’organisation des secours, les mesures prises par la commune pour gérer le risque.
2. L’absence de document d’information communal sur les risques majeurs.
3. L’absence d’élaboration d’un diagnostic de vulnérabilité des habitations situées derrière la digue.
4. Le défaut d’information de la population dès le 27/02/2010 des risques réels et sérieux d’inondation et de l’alerte météorologique.
5. L’absence d’information du propriétaire de la digue et l’absence de dispositif de surveillance de la digue.
6. Le défaut d’établissement d’un plan de secours pour sa commune, entre le 29/11/2001, date de l’arrêté préfectoral prescrivant un PPRI, et le 13/08/2004, date de l’adoption de la loi de modernisation de la sécurité civile.
7. Le défaut d’établissement d’un plan communal de sauvegarde.
8. Le défaut d’information de la population de La Faute-sur-Mer sur les risques d’inondation à travers l’installation de repères de crue rendus obligatoires par la loi du 30/07/2003, et le décret du 14/03/2005.
9. La délivrance des permis de construire violant les règles de sécurité prescrites par l’article R.111-2 du Code de l’Urbanisme imposant que les maisons soient édifiées à 20 centimètres au-dessus de la cote de référence du projet de PPRI de l’estuaire du Lay approuvé par anticipation le 8/06/2007.