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Le tribunal des idées, naissance d’une approche inattendue

 

 

S’il fut rapidement évident que les pollutions industrielles devaient être au cœur de cette deuxième édition des Rendez-vous Majeurs, et donc de sa plénière, la façon dont cette question devait être abordée était moins claire. Pour les organisateurs, un objectif était néanmoins essentiel : il fallait impérativement que ce temps soit constructif, qu’il permette à l’ensemble des acteurs de s’exprimer sereinement. Retour sur une élaboration longue, complexe et sensible.

 

Il est des sujets que l’on aborde avec précaution, sous peine de voir les esprits s’enflammer rapidement. Et nul doute que les pollutions industrielles en font partie. Depuis plusieurs années, différents scandales et révélations ont mis cette problématique en lumière, exacerbant les craintes de la population, tendant les relations avec les industriels et laissant bien souvent les collectivités dans un profond désarroi. Amaris est particulièrement consciente de la complexité du sujet : depuis 2021, l’association pilote un programme inédit, “Collectivités et pollutions industrielles“, qui vise précisément à faire avancer les connaissances, les réflexions et les pistes d’actions sur cette problématique. Et ce, en essayant de travailler avec l’ensemble des parties prenantes, ce qui n’est pas toujours simple. Dès lors, nous étions bien conscient que, pour engager un dialogue véritablement constructif, il faudrait faire bouger les lignes…

 

Un groupe de travail inédit / Sortir des cadres classiques

Le premier pas de côté déterminant a été de s’adjoindre les services d’une société de conseil en intelligence collective, Bluenove. Aguerrie au travail sur des problématiques complexes,  elle aide des équipes, des institutions ou des entreprises à trouver de nouvelles façons d’aborder collectivement leurs enjeux ou problématiques, pour faire émerger des solutions innovantes et partagées. Et trouver une nouvelle façon d’aborder les pollutions industrielles, qui sortent des échanges stériles où chacun expose son point de vue sans vraiment entendre ce que les autres ont à dire, c’était bien ce dont nous avons besoin…  Nous avons ensuite constitué un large groupe de travail, regroupant des représentants des septs collèges concernés :  l’Etat, les industriels, les salariés, les collectivités locales, les riverains, les ONG et les experts. 

 

Poser des diagnostics partagés

Entre février et juin 2024, quatre séances de travail et de nombreux échanges ont permis de finaliser la forme et le plan de la plénière. Le premier rendez-vous fut l’occasion pour les participants d’exposer leurs perceptions du problème, de comparer leurs points de vue et de définir un socle commun. Tous les acteurs se sont retrouvés sur, la reconnaissance de la complexité du sujet, le manque de connaissances scientifiques, le besoin d’informer et d’impliquer les populations, la nécessité de faire évoluer la réglementation et le besoin d’accompagnement des acteurs, tant sur le financement des recherches que dans leur mise en relation et l’acquisition des compétences spécifiques.

Cette première étape fut particulièrement encourageante. En effet, l’air de rien, des acteurs aux points de vue souvent antagonistes et bien ancrés étaient parvenus à se retrouver sur une analyse très complète et aux options assez inattendues pour nous  : honnêtement, nous n’aurions pas parié sur le fait que les industriels, ou même l’État, rejoignent les riverains sur la nécessité de développer le dialogue ou d’informer les habitants sur ces questions…

 

Choisir la forme ad hoc

Il fallait ensuite définir la forme. Avec l’aide de la société Bluenove, différentes possibilités ont été envisagées, avant d’aboutir collectivement sur ce tribunal des idées. Ce choix peut sembler surprenant à première vue : face à un sujet aussi sensible, pourquoi diable opter pour une forme qui pourrait chercher à stigmatiser, à pointer des coupables ? Et bien peut-être précisément parce que ce n’est pas le cas. Comme son nom l’indique, cette forme interroge des idées, des concepts, des faits, pas des personnes ou des entités. L’approche très théâtralisée de ce format, qui s’ancre sur le décorum d’un vrai tribunal, permet de sortir d’une réalité concrète et d’interroger des problématiques globales comme les pollutions industrielles. Que leur reproche-t-on ? Qu’ont-elle à dire pour leur défense ? Comment sont-elles arrivées là et pourquoi ? qu’est-ce qui pourrait être fait pour limiter leur impact ? Et tant d’autres questions… À travers différentes mises en situation et cas pratiques, les participants ont pu explorer les différents enjeux de cette problématiques et point de vues de tous, pour aboutir à des questionnements et des réponses innovantes, loin des a priori de chacun.

 

Le processus fut long, et il a fallu en lever, des craintes et des doutes. Mais au final, nous pouvons dire que ce travail a permis de faire émerger un une approche qui saura tout à la fois interpeler l’auditoire, le bousculer dans ces certitudes et lui proposer des pistes de réflexions stimulantes et inattendues. Et cela, c’est déjà une belle victoire !