Pollutions industrielles : un moment-charnière

04/04/23

Les politiques publiques courent toujours derrière les risques. Bien souvent, les réglementations sont pensées en réponse à une catastrophe ou une crise. Par exemple, plus de 20 ans après la catastrophe d’AZF, les territoires impactés par les risques industriels tentent encore de mettre en œuvre des plans de prévention (les PPRT). Pourtant, l’horizon s’est déplacé.

En 2019, nous avons connu « Lubrizol ». Cet accident a mis en évidence l’insuffisante protection de la population face aux risques sanitaires. Il n’a pas permis d’enclencher une réflexion aboutissant à une stratégie nationale mais il a très certainement accéléré une prise de conscience sociétale. Les habitants concernés s’inquiètent (toujours plus), se mobilisent et questionnent les élus au premier rang desquels les maires. Les fumées de l’usine sont-elles nocives ? Cette gêne respiratoire est-elle liée à l’industrie ? Peut-on manger les tomates du jardin ? Les enfants courent-ils un risque à jouer dans la cour de l’école ?  Et s’ils ingèrent de la terre ? 

Ces interrogations liées à la vie quotidienne et à l’usage d’un territoire peuvent paraître simples ou anecdotiques. En réalité, pour y répondre, il est nécessaire de mobiliser un haut niveau d’expertise conjuguant deux sujets complexes : l’environnement et la santé. Très souvent associées à la proximité des sites industriels en activité, ces questions s’appliquent aussi beaucoup plus largement, à notre passé industriel, qui nous a légué en héritage, des friches polluées.

Aujourd’hui, les territoires que nous réunissons partagent les mêmes questionnements et besoins. Dans un cas comme dans l’autre, pollutions actuelles ou passées, les blocages et les écueils sont les mêmes. Les collectivités veulent savoir si ce qu’elles font est utile et pertinent. Elles ont parfois l’impression que les études produites dans le cadre réglementaire ne sont pas conçues pour identifier des pistes d’amélioration. Elles découvrent que les spécificités des bassins industriels ne sont pas prises en compte. Elles manquent d’outils, de points zéro, de diagnostics : elles ont besoin de savoir d’où elles partent. Elles expriment des difficultés liées à une approche avant tout technique d’un sujet pourtant politique. Il est très souvent difficile pour les élus d’arbitrer.  

Face à l’insuffisance de la réglementation et au manque de connaissances, nous avons besoin d’une stratégie nationale et globale pour imaginer des territoires moins vulnérables. Nous devons anticiper pour que les futures implantations soient les plus pertinentes du point de vue de la santé environnementale, trouver des pistes d’amélioration pour les personnes exposées et enfin, poser les bases méthodologiques pour reconstruire la ville. Dans un contexte où la réhabilitation des friches avec les objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN) et la prise en compte des risques sanitaires liés aux pollutions industrielles sont devenues des enjeux sociétaux majeurs, il est urgent d’établir des liens entre les politiques de développement industriel, de santé et d’environnement. 

ALBAN BRUNEAU, PRESIDENT D’AMARIS
Maire de Gonfreville-l’Orcher et vice-président de la Communauté urbaine du Havre

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